« Tout texte se construit comme mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte. » Par ces mots, Julia Kristeva met en évidence l’importance de l’intertextualité entre les œuvres littéraires. Comme cela a pu être observé précédemment, les Fourberies de Scapin est une œuvre dans laquelle l’intertextualité transparaît. La pièce de Molière est une œuvre sous influence dont la source primaire est le Phormion de Térence. Elle en apparaît même comme une réécriture. Elle convient donc de la retenir comme pertinente dans le cadre d’une étude de la littérature sous le prisme de l’intertextualité. Il reste cependant la question de l’importance de cette dernière. L’intertextualité est-elle essentielle à l’apprentissage de la littérature ? Aborder la notion d’intertextualité est-elle indispensable pour accéder à l’œuvre, pour l’étudier, la comprendre ? Dans le cas d’une étude approfondie, la réponse a déjà été offerte auparavant. Mais dans le cas d’une étude scolaire, elle reste encore en suspens. Les élèves doivent-ils nécessairement être au fait de la génétique de l’œuvre pour l’étudier en classe ? Selon le niveau de classe, aborder cette notion peut paraître inapproprié. L’étude d’un texte, la méthode employée vont différer en fonction des classes et des niveaux. Une œuvre ne sera pas étudiée de la même façon en cycle 3 ou en lycée voire même à l’université. La principale problématique concerne donc la pertinence de l’utilisation des sources primaires des œuvres pour les étudier et les faire comprendre.
En quoi donc dans le cas présent de l’étude d’une œuvre de Molière, la connaissance de sa génétique peut-elle se révéler utile pour la comprendre.
La réponse la plus évidente est qu'elle va apporter des informations. Tout apport au texte va aider à sa compréhension. Dans le cas de la génétique et de l'intertextualité de l'oeuvre, cet apport va se retrouver au niveau de l'origine de l'oeuvre. Un élève observera donc en parallèle ou en plus des éléments qui lui permettront d'appréhender la base de l'oeuvre, ce qui a pu l'inspirer de façon plus ou moins prégnante, ce qui a pu l'influencer à un degré plus ou moins important. De la même manière qu'un élève est influencé par ses propres lectures pour écrire, un auteur utilise avec conscience ou non les ouvrages qu'il a pu connaître auparavant. L'élève est un auteur. S'il ne rédige pas de roman, de nouvelle, de pièces ou d'oeuvres publiés, il écrit. Il trouve son influence dans ses connaissances. Il base son travail sur ses observations que cela soit requis ou non. En observant les sources primaires d'un texte, l'élève peut faire le parallèle avec sa propre expérience d'écrivant. Cela va donc créer une proximité avec l'auteur. Cela créée-t-il une proximité avec le texte également ? La réponse est ici plus nuancée. Le tout va dépendre des textes, de la pertinence des sources. Toutes les sources ne sont pas nécessairement utiles à observer avec le texte concerné. L'influence peut être trop subtile, l'intertextualité, trop superficiel. Dans le cas d'une oeuvre comme Les Fourberies de Scapin, en revanche, la correspondance est réelle. La notion de réécriture est flagrante selon les extraits, l'idée d'intertextualité apparaît de façon claire. Le choix possède donc une pertinence. Cela aide-t-il vraiment cependant ? Là encore, la question appelle à la nuance. Si l'on devait prendre l'exemple des élèves qui ont étudié la pièce de Molière par le biais de la séquence observée précédemment, l'observation des sources primaires ou plus exactement d'une source primaire qui est le Phormion de Térence a permis d'aborder clairement la notion de réécriture. Notion qu'il était essentiel d'observer dans la perspective du travail final. L'observation du texte a donc été pertinente et utile dans le cadre de la séquence. A-t-elle été utile pour comprendre la pièce ? Peut-être moins. Les Fourberies de Scapin ne nécessitent pas forcément d'utiliser les sources primaires pour être étudiés. La séquence effectuée auparavant démontre que l'oeuvre a pu être étudiée, comprise et utilisée dans le cadre du travail final de réécriture sans observer les sources primaires. Cela dépend cependant du spectre selon lequel on désire étudier une oeuvre. Il n'existe pas une seule méthode pour étudier une oeuvre, il n'existe pas un seul prisme, une seule base. Une oeuvre est plurielle. Elle est nourrie de multiples influences, elle donne naissance à diverses problématiques. Dans le cadre scolaire, une oeuvre peut être enseignée selon des formes différentes, avec des objectifs variés. La problématique choisie ici de la réécriture n'est pas la seule. La première séquence consistait à étudier le comique dans la pièce. L'étude de l'oeuvre intervient dans le cadre de l'objet étudié consacré aux rapports avec autrui. Les relations familiales peuvent ainsi être étudiées. Les relations entre maîtres et valets, les relations amoureuses sont également des perspectives possibles. Les différentes formes de comique peuvent être observées tout comme la lecture d'une époque. La pièce ouvre aussi à la notion du théâtre, de la mise en scène, du jeu. La pertinence de la problématique est donc sujette à la problématique choisie pour étudier l'oeuvre. Si celle-ci est centrée sur la notion de réécriture alors les sources primaires sont essentielles. Si celle-ci est centrée sur les rapports entre les personnages notamment au sein de la famille étendue alors les sources primaires peuvent être utiles pour comprendre l'évolution des rapports et la construction de ces derniers dans le domaine de la comédie. Mais si celle-ci est centrée sur une notion qui ne nécessite pas de mise en perspective alors l'utilisation des sources primaires va se révéler superficielle.