[RH] N. Hanway (Extraits)

Le réveil avait été sans appel. Pas particulièrement inhabituel mais il se rendit compte bien assez tôt que le bruit n'avait été que dans son esprit, dans sa tête, dans son rêve. Il se sentait essoufflé comme après des kilomètres mais à la vérité, il n'avait guère quitté les lieux. L'oeil hagard, il observa la pièce. C'était simple, rudimentaire diraient certains. C'était confortable pourtant. Il avait connu pire, plus âpre. Plus sec aussi. Mais pas ici. Non pas dans ces lieux. A la maison. Son coeur parût mettre un certain temps à réaliser où il se trouvait. Ici. Pas là-bas. Les méandres de son rêve qu'il aurait plutôt qualifié de cauchemar s'il n'avait pas été plus un souvenir qu'autre chose commençaient à s'évaporer, à se mêler au reste du décor, à disparaître. Ils ne restaient que des flashs, des impressions et l'étrange sensation d'avoir manqué quelque chose, d'oublier quelque chose. Il n'était pas sûr de vouloir savoir de quoi il s'agissait. Les palpitations se terminèrent et le silence l'envahit soudain. Autant pour la sérénité. Il se leva brusquement, rejoignit la salle de bain au fond du couloir en prenant bien soin de ne réveiller personne. Il se passa de l'eau glacée sur le visage, laissant ses prunelles se perdre sur son reflet. Il passa ses doigts sur ses traits puis se détourna. Il commença à trembler et cela commençait à l'effrayer. Le calme l'effrayait. Il reprit rapidement le pas vers sa chambre, cherchant presque désespéramment les écouteurs et la musique. A la première note, il sentait son palpitant repartir au calme. Il retourna s'allonger, presque instantanément soulagé, ferma les yeux une seconde. Les notes, la musique l'importait peu. Son esprit vagabondait ailleurs, là-bas, pas ici. Il repensa à ses brides de rêve, ses parcelles de souvenir, laissa ses pensées dériver peu à peu. Il repensa à l'avant. A la vie avant qu'il ne parte, à la vie avant qu'il ne revienne. Des morceaux par-ci, des éclats par-là. Il finit par retrouver le sommeil sans prévenir, porté par les vibrations de la mélodie.

Le regard perdu dans ses livres et l'esprit vibrant au rythme des vibrations de la musique, il mit un certain temps avant de s'apercevoir que l'aube était là. Les rayons du soleil atteignirent les premières parcelles de sa peau et finirent presque par aveugler les lignes face à lui provoquant un mouvement de proche de la panique. Quelle heure pouvait-il être ? Un coup d'oeil rapide au réveil à côté de lui, lui apprit que la journée était à peine entamée. Il se calma soudain, souriant presque de son agitation. Il se leva sans plus de réflexion, prenant soin de bien ranger son livre et ses cahiers dans le tiroir de la commode. Il se dépêcha ensuite de rejoindra la salle de bain. L'eau fraîche sur son corps termina de le réveiller complètement et il laissa ses réflexions voguer les activités de la journée. Il pensa à toutes les tâches à faire, aux rendez-vous à assister, aux coups de téléphone à passer.
L'eau éteinte, il s'habilla sans y penser, son esprit déjà programmé pour le reste de la journée. Arrivé au rez-de-chaussée, il salua sa mère rapidement d'un baiser sur la tempe, demandant des nouvelles de son père qui était vraisemblablement resté au lit. Il prit son café trop noir et trop court avant de commencer à détailler de dont ils allaient devoir s'occuper. L'ensemble de leurs conversations tournait toujours autour de ça. De la ferme, de la vie à la maison, du travail. Ils en seraient presque plus collègues que mère et fils. Il mangea rapidement puis quitta les lieux pour commencer à se mettre au travail. Les lieux finirent de s'éveiller peu à peu et il salua sa ménagerie avec entrain comme chaque matin. Il parlait peu mais appréciait la cacophonie des lieux.
La matinée passa sans qu'il n'y pense vraiment, comme souvent. En revenant à la maison, il put voir que son père avait fini par se lever. Il s'enquit de son état, lui raconta sa matinée, lui parla de son après-midi. Ils parlèrent de tout, de rien. Tout paraissait si normal que ça en était presque étrange, si déphasé. Cela faisait plusieurs semaines pourtant. Il se remit au travail peu après avant de quitter la ferme pour aller à ses rendez-vous. Perdu dans ses pensées, il mit un temps à remarquer que l'on s'adressait à lui. Il sourit aussitôt pourtant en voyant de qui il s'agissait. Il l'avait toujours trouvé jolie mais il se surprit à penser qu'elle le devenait de plus en plus au fil du temps.

Le retour à la réalité, à la vie civile, normale, courante finalement n'avait pas été aisé. Loin de là. Les ajustements étaient toujours quelque peu compliqués mais il y mettait les efforts qu'il devait. Parce qu'il le fallait. Parce que même si au fond de lui, il n'espérait pas un retour définitif, pas encore, il commençait à se faire à l'idée que son psychologue n'allait pas le lâcher. Il était donc presque condamné à rester. Ce n'était pas insurmontable, loin de là, ni même épouvantable. Il aimait cette ville, ces lieux, ses champs et sa ferme tout comme il tenait aux siens. Il ne rêvait pas de partir, de tout quitter pour risquer de se faire massacrer à l'autre bout du monde. Non. A la vérité, il avait plutôt l'impression de faillir, d'échouer dans sa tâche en étant obligé de rester plutôt que d'être utile là-bas. Il avait l'impression de lâcher son régiment et c'était quelque chose de difficilement supportable. Il apprenait à faire avec, toutefois. Il réapprenait à apprécier cette vie à la campagne pour laquelle il se battait finalement. Il était entre deux eaux, entre deux mondes, encore incertain de là où il devait basculer. Alors en attendant, il redécouvrait. Tout avait tant changé et après avoir vu le pire, il pensait qu'il aurait bien du mal encore à être surpris, à être presque émerveillé. Peut-être avait-il perdu de son optimisme finalement. Et c'était loin d'être une idée agréable. Pourtant, elle ne paraissait pas encore tout à fait vrai. En dépit de ce qu'il aurait pu croire, il s'apercevait qu'il pouvait encore être bel et bien surpris, qu'il y avait encore bien des choses en capacité de lui déclencher un sourire voire davantage. C'était rassurant. Réconfortant de se rendre compte que finalement tout n'était pas perdu, que la vie ne l'avait pas encore rendu amer ou désespéré. Il n'en dirait rien au psy bien sûr mais il finirait presque par apprécier la chance d'avoir pu rentrer. Peut-être au fond en avait-il réellement eu besoin. Il n'avait pas toujours l'impression d'être parti si longtemps que ça mais à mesure que les jours avançaient, il devait bien se rendre à l'évidence. Il avait perdu le cours des choses. La simplicité reprenait alors peu à peu tout son sens. C'était loin d'être déplaisant. Les nuits lui rappelaient encore qu'il n'était pas tout à fait serein cependant. C'était presque étrange. Il avait toujours peu dormi mais là-bas, il n'avait jamais vraiment eu de difficulté.